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L’histoire de l’utilisation du fluor en médecine dentaire remonte au début du vingtième siècle, et est intimement liée à celle de l'aluminium! En effet, il a fallu que soit battue en brêche l’intuition erronée de la population hésitant quasi superstitieusement à utiliser ce nouveau matériau domestique. Et c'est afin de disculper l'aluminium que des fonds privés ont financé les études déterminantes qui permirent par la suite la découverte des effets dentaires du fluor et un progrès considérable de la prévention bucco-dentaire.

L’histoire de l’utilisation du fluor en médecine dentaire remonte au début du vingtième siècle.

C’est en effet en 1901 qu’un dentiste américain du nom de MacKay, installé dans la petite ville de Colorado Springs, aux Etats-Unis, remarque que parmi ses patients, certains présentent des colorations au niveau des dents. D’autres par contre en sont totalement exempts. Une petite recherche statistique amène rapidement notre homme à découvrir que les patients atteints de colorations sont ceux qui ont passé toute leur vie dans la région, tandis que ceux qui ne présentent pas cette anomalie sont généralement des colons plus récemment arrivés sur les lieux. Les habitants de la région ne se formalisent guère de ces taches pourtant disgrâcieuses, baptisées comme de juste "colorations de Colorado".

A partir de 1905, le dentiste MacKay tient une consultation hors de la région de Colorado, et n’y retrouve en rien les mêmes proportions de dents mitées, ce qui l’amène à se réinstaller à Colorado Springs dès 1908 pour entreprendre une étude scientifique du phénomène. Cette étude, réalisée sur près de trois mille habitants, échantillon remarquable pour l’époque, confirme que seuls sont atteints les individus ayant passé leur enfance et leur adolescence dans la région, tout en buvant de l’eau de puits dont on sait déjà que la captation est particulièrement profonde. Quelques années plus tard, l’étude fut étendue à l’ensemble des Etats-Unis, ce qui confirma le caractère endémique de ces taches dans certaines régions. De plus, un rapport d’un médecin militaire de la marine américaine indiqua l’observation du même phénomène dans la région de Naples, en Italie.

Pour tenter de prouver que le facteur responsable de ce mitage était contenu dans l’eau de distribution, MacKay fit modifier les raccordements de quelques villes touchées, et, au bout de quelques années, les enfants de ces villes ne présentèrent plus de colorations.

Mais de quoi s’agissait-il exactement?

A cette époque, l’aluminium avait bien mauvaise presse aux Etats-Unis. Une compagnie minière et chimique, l’Aluminium Company of America (ALCOA) tentait pourtant d’imposer ce matériau comme constituant nouveau des ustensiles de cuisine. L’occasion était trop belle pour les détracteurs de l’aluminium, et des pressions autant économiques qu’idéologiques tentèrent d’incriminer arbitrairement l’aluminium dans les colorations dentaires endémiques. Un fait catastrophique pour l’ALCOA allait encore survenir : un campement d’ouvriers mineurs, installé depuis le début du siècle à proximité d’un site d’extraction d’aluminium, fit l’objet d’une étude statistique, et l’on y découvrit un mitage important chez les enfants et les adolescents.

Afin d’échapper à une faillite quasi annoncée, l’ALCOA engagea des moyens financiers et des chercheurs dans la mise en évidence de l’agent responsable. L’on analysa l’eau du campement, et, outre de l’aluminium, on découvrit à la surprise générale une concentration très élevée en fluor. La même analyse, entreprise pour tous les captages des régions touchées, montra également dans tous les cas une concentration anormalement élevée en fluor. Enfin, en 1936, trente-cinq années déjà après les premières observations de MacKay, Dean montra dans une étude aussi vaste que déterminante la corrélation nette entre la teneur en fluor de l’eau de distribution et la gravité des colorations : l’aluminium, mis définitivement hors de cause, pouvait envahir nos cuisines!

Toute cette histoire dénonce deux faits de société importants. En premier lieu, l’intuition erronée de la population hésitant quasi superstitieusement à utiliser un matériau nouveau, l’aluminium, a été battue en brêche par des moyens scientifiques indiscutables quant à eux. Ensuite, sans l’impérative nécessité pour l’ALCOA de disculper l’aluminium, nous ignorerions peut-être encore aujourd’hui la simple présence de concentrations élevées en fluor dans certains captages profonds, et il aura donc fallu un enjeu économique, et l’utilisation de fonds privés, pour réaliser les études déterminantes qui permettront par la suite un progrès considérable de la prévention bucco-dentaire.