Editorial de L'Incisif 132
Jean-Marie HUBERT,

Président

Le dentiste et le maçon . . . 

Il est des professions qui, dans l'imaginaire collectif, sont liées à la nôtre. Ainsi en est-il du boucher,auquel nous sommes souvent comparés. Je ne manque jamais d'ailleurs de saluer d'un tronitruant « bonjour, confrère! » le boucher du village, qui, heureusement pour mon steak, est aujourd'hui retraité.

Il est un autre professionnel qui, pour de multiples raisons, nous est souvent associé : c'est le maçon.

Des expressions comme « mettre un plâtre dans la dent », « sceller avec un ciment », assurer un bon « joint », préparer un « pilier », faire la « restauration » d'un « grand délabrement » nous placent dans le même panier.

Dans certaines images humoristiques, on voit le dentiste truelle ou marteau pic à la main, faire son travail dans la cavité dentaire . . .

Cette image est en soi sympathique. Elle met en évidence la facette manuelle et artisanale de notre métier.

Et le métier de maçon n'a rien de dégradant : c'est par lui que se sont bâties les grandes cathédrales, c'est par lui que s'est instauré un grand courant de pensée qui porte le nom de . . . franc-maçonnerie.

La comparaison s'arrête là.

On le sait : le travail du maçon est harassant et soumis aux aléas climatiques. S'il fait cependant trop mauvais, le maçon entre en hibernation et se met en « intempéries ». Le dentiste par contre travaille toujours bien au chaud. Il ne peut être fatigué par les petits outils qu'il manipule ni par le peu de déplacements qu'il accomplit chaque jour.

Le client attend que le maçon daigne lui accorder sont temps. Si le maçon a deux mois de retard sur l'échéance prévue, le client se tait de crainte de vexer le maçon qui pourrait reporter son travail à plus tard.

Le patient du dentiste par contre entend être reçu le jour même, à l'heure qui lui convient sous peine de rompre tout lien avec le dentiste.

Le maçon « travaille à l'heure ». Il ne faut pas être dans les pieds du maçon. De temps en temps,le maçon s'arrête pour rouler sa cigarette, ou pour boire un bon coup, ou pour tailler une petite bavette ( compris dans le prix ). Le tarif horaire du maçon moyen est de 800 Bef soit 19,83 € de l'heure. Fréquemment, on oublie de demander au maçon un reçu ou une facture.

Le dentiste travaille tout compris. S'il n'a fait que vous parler, il n'a rien fait et ne doit dès lors pas être payé.

Le dentiste doit « faire un papier ». Le dentiste moyen demande 800 Bef soit 19,83 € de l'heure pour sa main d'oeuvre.

Le travail du bon maçon est exposé à l'admiration de tous et lui survivra. Le travail du bon dentiste doit être discret, voir invisible, et disparaîtra avec celui qui le porte.

Dans un hebdomadaire pour les dames, posé sur la table de ma salle d'attente, j'ai lu que l'un des fantasmes les plus courus chez nos compagnes était . . . de se retrouver au lit avec le maçon. On ne parlait pas du dentiste. Il n'éveille leurs fantasmes qu'avec un mal de dent ( ou un mâle dedans, diront les coquins ).

Si vous souffrez de « burnout », ce mal qui frappe les professions de service comme les nôtres, songez à ce remède : le week-end, échangez votre spatule contre une truelle . . .


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6/01/2004