Il arrive parfois qu'il soit décidé entre un employeur et un travailleur que ce dernier exécutera ses fonctions sous le statut d'indépendant. Les coûts des prestations seront, dans ce cas, bien moins élevés et les relations de travail plus souples. C'est pourquoi les dentistes collaborateurs recourent d'ordinaire à cette formule, qui s'accommode d'ailleurs très bien du principe de liberté diagnostique et thérapeutique. Il convient cependant d'être prudent dans l'établissement du contrat. Ainsi, un dentiste s'est récemment vu poursuivre par l'ONSS pour non-déclaration de travailleurs appointés, ou, comme on dit aujourd'hui, pour avoir engagé du personnel sous statut de " faux indépendant " et il est vrai que le Gouvernement a décidé de mettre dans sa ligne de mire ce genre situation. En réalité, le dentiste dont question avait engagé trois jeunes collaboratrices pour recevoir des patients dans son cabinet. Mais le contrat qui liait les collaboratrices et le propriétaire s'écartait de ce qui est d'usage : ainsi, la convention stipulait des prestations à horaires fixes, des pénalités en cas d'absence, la limitation du champ d'activité du collaborateur, le respect de certains protocoles et une périodicité dans la rémunération qui, bien que basée sur un pourcentage, prévoyait un minimum garanti. Or, il s'agit précisément d'indices permettant de conclure à un contrat de travail pour travailleur salarié. Pour bien comprendre, voyons la base juridique de cette matière (tirée de Union & Action n°28, 14/7/00).
1. Les caractéristiques du contrat de travail Les éléments constitutifs d'un contrat de travail sont classiquement au nombre de trois : la prestation, la rémunération et le lien de subordination. C'est le dernier élément qui est !a caractéristique essentielle du contrat de travail et le distingue notamment du contrat d'entreprise. a) la prestation La prestation est l'objet même du contrat de travail. Il ne peut en effet pas y avoir de contrat de travail sans travail. b) la rémunération La rémunération est également une composante indispensable à l'existence d'un contrat de travail. Elle est la contrepartie du travail exécuté. Nous n'approfondirons pas ces deux notions au cours de cet article. c) le lien de subordination Quel que soit le type de contrat de travail, le lien de subordination existe dès qu'une personne (l'employeur) peut exercer son autorité sur une autre (le travailleur). Cette autorité doit pouvoir s'exercer à tout moment mais pas nécessairement de manière étroite et ininterrompue. Il suffit donc qu'elle soit potentielle, l'employeur ayant à tout moment le pouvoir, exercé ou non, de donner des ordres et de surveiller. Le travailleur salarié s'inscrit dans une relation de subordination, autrement dit, il est sous les ordres de son employeur ou de ses représentants. Il est lié par ce que l'on appelle une "obligation de moyens" et non "de résultat". Cela signifie qu'il doit tout mettre en œuvre afin que le travail soit exécuté du mieux possible, selon les instructions reçues de l'employeur. L'indépendant promet quant à lui, nous le verrons ci-dessous, une "obligation de résultat" en ce sens qu'il s'engage à mener à bien, mais en toute liberté, un travail déterminé. 2. Les indices permettant de conclure à l'existence d'un contrat de travail En règle générale, le travailleur salarié exécute son travail en utilisant le matériel (outils, machines, matières premières…) appartenant à l'employeur et mis à disposition par ce dernier. Il est en principe tenu de respecter un horaire précis de travail : il ne peut prester à sa meilleure convenance, doit justifier ses absences et prévenir son employeur de celles-ci en temps utile. Il est tenu d'effectuer ses prestations au lieu convenu avec l'employeur, selon les consignes qui lui sont données. Le travailleur salarié est rémunéré selon un barème fixé par la commission paritaire du secteur duquel dépend l'employeur. Son salaire est en principe constant, même en cas de prestations irrégulières : l'octroi d'une rémunération est en principe assurée, même en cas d'absence pour maladie, congés… La rémunération ne varie pas comme les revenus du travailleur indépendant. Le paiement de la rémunération s'exécute par ailleurs dans des délais et selon une périodicité bien établie. Le travailleur salarié se trouve en quelque sorte dans un lien de dépendance économique vis-à-vis de l'employeur mais il ne partage pas les risques économiques ou financiers de celui-ci, tout comme il ne partage pas directement les bénéfices. De plus, l'employeur demeure civilement responsable des dommages qui seraient occasionnés à des tiers par le fait du travailleur : il est tenu de répondre à l'égard des tiers de toute faute commise par le travailleur. Ce dernier répond cependant de son dol ou de sa faute lourde ainsi que de sa faute légère si celle-ci revêt un caractère habituel. Si les conditions d'existence d'un contrat de travail sont réunies ou tout au moins que les indices révélateurs d'un lien de subordination détaillés ci-dessus apparaissent, le travailleur doit être assujetti à la sécurité sociale des travailleurs salariés. 3. Les caractéristiques du statut d'indépendant À l'inverse du travailleur salarié, le travailleur indépendant dirige lui-même l'exécution de son travail. Il pèse sur lui une "obligation de résultat" : c'est la concordance entre le travail réalisé et ce qui a été au départ convenu contractuellement qui importe, et non la façon dont le travailleur indépendant y est arrivé. Il est bien évidemment possible qu'il reçoive des instructions générales quant à la nature du travail à exécuter mais il organisera tout à fait librement son travail, commandera ses fournitures et établira ses prix. De même, il n'aura pas à justifier de l'utilisation de son temps de travail ni de ses absences. Le travailleur indépendant prend en charge des risques économiques. Il facture ses prestations, détermine son mode de rémunération (forfait par prestation, par heure, pourcentage sur chiffres d'affaires…). Aucune rémunération minimale ne lui est assurée ni même aucune régularité de versement. Enfin, l'indépendant doit satisfaire à un certain nombre d'obligations comme l'inscription au Registre du commerce et à la TVA (ndlr : le cas échéant, mais pas pour un dentiste, par exemple), l'affiliation à une caisse d'assurances sociales pour travailleurs indépendants (ndlr : également la souscription d'une assurance en Responsabilité civile professionnelle)… 4. Conclusion Il ne suffit donc pas de payer des cotisations sociales au régime des indépendants, d'avoir un numéro de TVA, d'ouvrir un registre de commerce et de facturer des prestations au seul "client" pour lequel on travaille pour être automatiquement considéré comme indépendant. Encore faut-il vraiment que le travail soit exécuté dans le cadre d'un contrat d'entreprise. Les différences fondamentales entre les deux statuts peuvent apparaître évidentes et, sur base des critères de différenciation décrits ci-avant, il ne devrait, en principe, pas être difficile de déterminer si l'on se trouve face à un statut d'indépendant ou de salarié. Cependant, dans les faits, les choses ne sont pas toujours aussi simples qu'elles n'y paraissent. La frontière entre les deux statuts peut s'avérer très floue. En cas de litige, la qualification donnée à la relation de travail par les parties constituera le point de départ de l'appréciation du statut. Cette qualification primera, sauf en cas d'erreur, de fraude ou lorsque l'exécution du travail contredit clairement celle-ci. L'examen de la convention ne devra cependant pas porter uniquement sur la matérialisation de la volonté des parties au jour de la conclusion du contrat. C'est à la lumière de tous les éléments décrits ci-dessus que le juge devra apprécier l'existence, ou non, d'un contrat de travail. Que retenir? Un contrat liant deux dentistes indépendants porte le nom réservé de "contrat d'entreprise". Il n'est pas admis : - de rémunération fixe - d'obligations horaires - de transfert de responsabilité civile Pour éviter tout déboire, n'hésitez pas à demander au secrétariat des Clinique dentaire Suisse un modèle de contrat de collaboration entre praticiens de l'art dentaire (service pour les membres). |
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