La carie est la maladie dentaire la plus commune. Diverses études réalisées sur des crânes d’époques variées montrent sa progression au cours des siècles. A l’âge du bronze, entre 2000 et 1000 avant Jésus-Christ, un individu sur cinq présentait au moins une carie, et 2,5 % de toutes les dents étaient touchées. A l’époque romaine, le double d’individus étaient atteints, soit une personne sur deux, et surtout quatre fois plus de lésions par bouche étaient observées, soit 10 % de l’ensemble des dents. De nos jours, de 25 à 50 % des dents ont une chance d’être attaquées au cours de leur existence, et la carie touche désormais 98 % de la population du globe, ce qui en fait le troisième fléau mondial dans le classement de l’Organisation Mondiale de la Santé, derrière les maladies du cœur et des vaisseaux. De plus, si au cours des siècles précédents, la carie atteignait presqu’uniquement la racine des dents, elle tend depuis le début du XVIIième siècle à occasionner des dégâts à la couronne, plus particulièrement là où deux dents se touchent, et aussi au fond des sillons. Toute cette évolution correspond à des changements dans l’alimentation vers la consommation de sucres hautement raffinés, comme le saccharose, le fructose et le glucose, éléments sucrants de base de nos cuisines modernes. De nombreuses constatations épidémiologiques corroborent la relation entre carie dentaire et consommation sucrée. Ainsi, l’exemple des Esquimaux qui, vivant de chasse et de pêche, et malgré l’absence d’hygiène, ne présentaient pas de carie… jusqu’à l’arrivée au Grœnland de plusieurs bases, dont les scientifiques ou les militaires eurent tôt fait de commercer des sucres avec les indigènes. Cet exemple célèbre aussi de l’île volcanique de Tristan de Cunha, située au beau milieu de l’Atlantique Sud, et dont les habitants de moins de vingt ans ne présentaient, en 1942, aucune carie des premières molaires, grâce à une alimentation à base de poissons et pommes de terre; suite à l’implantation d’une station météorologique, ce taux est passé en 1962, soit vingt ans plus tard, de 0 à 50 %, suite à l’utilisation de plus en plus massive de sucres raffinés dans la cuisine de l’île. On sait également que les caries sont plus fréquentes chez les élèves des écoles où les cantines vendent chocolats, biscuits et autres gâteaux, d’autant plus riches en sucres raffinés qu’ils sont fabriqués industriellement. Dans les pays où sévit une guerre, le taux de carie dentaire est proportionnellement plus faible que dans les pays en paix, suite aux privations engendrées par la situation. Les fumeurs qui parviennent à se débarasser de leur vice remplacent le tabac par l’ingestion de sucreries, qui rapidement provoquent des destructions dentaires massives si elles ne sont pas prises à temps. Enfin, une étude a révélé que 53 % des enfants présentent des caries de quasi toutes leurs dents s’ils ont sucé des tétines au miel ou trempées dans le sucre après l’apparition de leurs premières incisives. Tout ceci devrait déjà faire prendre conscience du danger représenté par un déséquilibre nutritionnel. Certains scientifiques ont voulu incriminer d’autres responsabilités dans la répartition des caries. Ainsi, les filles sont plus atteintes que les garçons de même âge, mais ceci n’est sans doute pas lié directement au sexe, mais plutôt au fait que les dents font éruption plus tôt chez les filles, ce qui les place plus vite en danger. La race joue-t-elle aussi un rôle? Il est statistiquement certain que les Noirs sont moins sujets à la carie que les Blancs, mais il s’agit peut-être également du reflet d’habitudes alimentaires différentes. La nationalité a même été mise en cause, car il semble que les Chinois, Portugais et Italiens soient moins enclins à développer ces problèmes qu’Irlandais et Britanniques; mais leurs cuisines ont elles une saveur comparable? Le niveau social jouerait un rôle également, les plus aisés présentant le plus de caries, probablement parce qu’ils ont les moyens de succomber plus souvent à quelque péché gourmand, que leurs plus nombreux loisirs mettent sur leur chemin. Enfin, certains chercheurs en mal d’inspiration ont incriminé le climat; une température moyenne élevée, un bon ensoleillement annuel et un taux faible d’humidité relative constituant autant de facteurs en faveur de l’absence de carie; ces recherches tentent d’expliquer ces constatations par l’intermédiaire d’une production augmentée de vitamine D dans ces conditions météorologiques favorables; plus sérieusement, les habitants de régions au climat rude consomment plus d’aliments à haute valeur énergétique, comme le sucre. En un mot, si vous êtes une femme de race blanche, si vous habitez une métropole des latitudes Nord, si vos revenus sont importants, si vous consacrez la plupart de votre temps à l’oisiveté et si vous aimez la patisserie, vous êtes en grand danger, courez chez votre dentiste. Si vous êtes un homme de race noire, si vous nichez dans un désert africain à l’écart de toute civilisation, si vous travaillez dur pour survivre et si vous préférez le salé, réjouissez-vous de votre éclatant sourire : il est votre unique richesse, mais c’est un trésor! |
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